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La gestion des notes de frais ne s’arrête pas au remboursement du salarié. Pour l’entreprise, elle ouvre une autre séquence : celle de la comptabilisation. Et là, plus question d’approximation. Utilisation des bons comptes, traitement de la TVA, respect des règles fiscales… Une erreur, même minime, peut vite coûter cher en cas de contrôle.
Comment enregistrer correctement chaque dépense ? Quels comptes utiliser selon la nature des frais ? Quelles conditions faut-il remplir pour récupérer la TVA ?
Ce guide vous accompagne pas à pas dans le traitement comptable des notes de frais, que vous soyez dirigeant, comptable ou simplement concerné par le sujet. Écritures, comptes à mobiliser, règles TVA et points de vigilance : tout est détaillé pour fiabiliser vos enregistrements… et rester parfaitement en règle.
Les fondamentaux de la comptabilisation d’une note de frais
Avant d’entrer dans le cœur du sujet, il est utile de rappeler ce qu’est une note de frais sur le plan comptable, et comment elle s’intègre dans les obligations de l’entreprise.
Voir aussi la comptabilisation des titres-restaurant.
À quoi correspond une note de frais en comptabilité ?
Une note de frais correspond à une dépense professionnelle avancée par un salarié. Elle doit être remboursée et comptabilisée comme une charge dans les comptes de l’entreprise.
Elle est traitée comme une dépense fournisseur :
- la charge est enregistrée,
- la TVA est déduite (si possible),
- la dette envers le salarié est constatée.
Condition incontournable : la dépense doit être appuyée par un justificatif valable, facture, reçu, ticket de caisse… Sans ce document, pas d’enregistrement, ni de remboursement.
Comptabiliser une note de frais : les 4 étapes à suivre
Voici les grandes étapes à respecter lors du traitement comptable d’une note de frais :
- Saisie dans le journal des achats : la note est enregistrée comme une pièce comptable.
- Débit des comptes de charges (classe 6) : selon la nature de la dépense (repas, déplacement, hébergement…).
- Débit du compte de TVA déductible : si la dépense est éligible à récupération.
- Crédit du compte du salarié (classe 4) : pour constater la dette de l’entreprise en attendant le remboursement.
Ce schéma permet de justifier la dépense, de comptabiliser la charge dans les bons comptes, et de suivre le remboursement avec rigueur.
Frais réels ou allocation forfaitaire : quel impact comptable ?
Lorsqu’un salarié engage des dépenses pour l’entreprise, deux méthodes de remboursement sont possibles. Et chacune a ses propres implications comptables.
Le remboursement aux frais réels
C’est le mode le plus rigoureux : le salarié avance les frais, conserve tous les justificatifs, et l’entreprise le rembourse à l’euro près. Ce remboursement est exonéré de cotisations sociales, à condition que les dépenses soient :
- engagées dans l’intérêt direct de l’entreprise ;
- justifiées par une facture ou tout autre justificatif recevable ;
- proportionnées ;
- et conformes à la politique interne.
En comptabilité, chaque dépense est enregistrée ligne par ligne, avec le bon compte de charge, le cas échéant la TVA récupérable, et le crédit du compte salarié.
Le remboursement forfaitaire
Ici, pas de ticket à fournir. L’entreprise verse une somme fixe, définie selon les barèmes URSSAF (ex. : indemnité kilométrique, forfait repas).
Le salarié n’a qu’à prouver la réalité de la mission (ordre de déplacement, agenda…).
Mais attention : si les plafonds sont dépassés, la part excédentaire est requalifiée. Elle devient alors soumise à cotisations sociales… et à l’impôt sur le revenu.
Et côté comptabilité ? Les deux approches nécessitent un traitement distinct : ligne par ligne pour les frais réels, comptes dédiés pour les allocations forfaitaires.
Le plan de comptes pour les notes de frais
Pour assurer une bonne comptabilisation, encore faut-il affecter chaque dépense au bon compte. Voici les principaux comptes utilisés pour les notes de frais, répartis selon leur fonction.
Les comptes de charges à utiliser (classe 6)
Chaque dépense engagée dans le cadre professionnel doit être imputée dans un compte de charge adapté à sa nature. Voici les plus courants :
- 6251 : Voyages et déplacements : billets de train, d’avion, péages, taxis, VTC, parkings…
- 6256 : Missions : frais de repas et d’hébergement lors d’un déplacement professionnel.
- 6257 : Réceptions : repas d’affaires avec des clients ou partenaires, dans ou hors des locaux.
- 626 : Frais postaux et de télécommunications : téléphonie mobile, internet, envois de courrier…
- 6234 : Cadeaux à la clientèle : à condition de respecter les plafonds URSSAF pour rester déductibles (73 € TTC par an et par bénéficiaire à date, ce montant sera réévalué en 2026).
- 6414 : Indemnités et avantages divers : utilisé notamment pour les indemnités kilométriques.
Les comptes à utiliser peuvent varier selon l’organisation comptable de l’entreprise, mais ces références restent les plus répandues.
Les comptes de tiers à créditer (classe 4)
Chaque note de frais donne naissance à une dette de l’entreprise envers le salarié ou le dirigeant. Cette dette est enregistrée dans un compte de tiers.
- 421 : Personnel - Rémunérations dues : le plus couramment utilisé pour centraliser les remboursements.
- 467 : Autres comptes débiteurs ou créditeurs : une alternative quand on souhaite isoler les frais du reste de la paie.
- Cas spécifique des dirigeants :
- 4551 : Compte courant d’associé : pour une société.
- 108 : Compte de l’exploitant : pour une entreprise individuelle.
Le compte de TVA à débiter
Quand les conditions de récupération sont remplies, la TVA peut être déduite. Elle est enregistrée dans un compte dédié :
- 44566 : TVA déductible sur autres biens et services
Ce compte est débité du montant de la TVA récupérable figurant sur les justificatifs fournis.
Notes de frais : les règles à connaître pour bien récupérer la TVA
La récupération de la TVA peut représenter un gain financier important… à condition de respecter certaines règles. Une note de frais mal remplie ou un justificatif non conforme peut suffire à bloquer la déduction. Voici ce qu’il faut retenir.
Les conditions générales pour récupérer la TVA
Pour qu’une entreprise puisse récupérer la TVA sur une dépense engagée par un salarié, plusieurs conditions doivent être réunies :
- La dépense doit être engagée dans l’intérêt de l’entreprise (et non à titre personnel).
- La facture doit être au nom de l’entreprise, et non au nom du salarié.
- Le montant de la TVA doit apparaître clairement sur le justificatif (ticket de caisse ou facture).
- L’entreprise doit être assujettie à la TVA.
Les entreprises non assujetties à la TVA, comme celles relevant de la franchise en base (auto-entrepreneurs en dessous des seuils) ou certaines professions exonérées, ne peuvent pas récupérer la TVA.
Les cas où la TVA est récupérable
Certaines dépenses professionnelles courantes ouvrent droit à récupération de la TVA. Voici les cas les plus fréquents :
- Frais de repas : si le repas est pris dans un cadre professionnel (ex. : repas d’affaires, mission), la TVA est récupérable.
- Carburant :
- Pour un véhicule de tourisme, la TVA est récupérable à 80 % sur l’essence et le gazole.
- Pour un véhicule utilitaire, elle est récupérable à 100 %.
- Péages : la TVA est récupérable si le ticket ou la facture est conservé.
- Parking : déductible si les places sont utilisées pour les besoins de l’entreprise (clients, salariés…).
Les cas où la TVA n’est pas récupérable
Certains frais, même professionnels, n’ouvrent pas droit à récupération de la TVA. C’est le cas dans les situations suivantes :
- Frais de transport : pas de TVA sur les billets de train, d’avion ou de bateau, donc rien à déduire.
- Frais d’hébergement : la TVA sur les nuitées d’hôtel n’est pas récupérable lorsqu’il s’agit de l’hébergement de salariés ou dirigeants. Elle peut l’être uniquement pour les tiers (clients ou partenaires invités).
- Indemnités kilométriques : exonérées de TVA. Aucune récupération n’est possible, même si la dépense est justifiée.
Cas pratiques et bonnes pratiques pour mieux traiter les notes de frais
À ce stade, place à du concret. Voici un exemple d’écriture comptable type, les spécificités à connaître pour les dirigeants, et quelques pistes simples pour fiabiliser votre process au quotidien.
Exemple d’écriture comptable : hôtel et restaurant
Prenons un cas classique. Sophie, cheffe de projet, part en mission à Lille. À son retour, elle présente une note de frais de 170 € TTC, composée de :
- 120 € TTC pour une nuit d’hôtel (TVA 10 %)
- 50 € TTC pour un repas d’affaires avec un prospect (TVA 10 %)
Voici comment son service comptable enregistre ces dépenses.
Numéro de compte | Libellé | Débit (€) | Crédit (€) |
---|---|---|---|
6256 | Frais d’hébergement | 109,09 | |
6256 | Frais de repas | 45,45 | |
44566 | TVA déductible (10 %) | 15,46 | |
421 | Personnel - Rémunérations dues | 170 |
Lecture de l’écriture :
- On débite les comptes de charges HT (hébergement et repas).
- On débite la TVA déductible, car les justificatifs sont conformes.
- On crédite le compte du salarié pour constater la dette due au remboursement.
Le bon réflexe, c’est de toujours vérifier que les factures sont bien au nom de l’entreprise, sans quoi la TVA ne pourra pas être récupérée.
Dirigeants : attention aux règles spécifiques de comptabilisation
La comptabilisation des notes de frais d’un dirigeant (gérant de SARL, président de SAS…) obéit à quelques règles particulières :
- Le remboursement au forfait n’est pas autorisé : seuls les frais réels peuvent être remboursés, sur présentation de justificatifs.
- Le compte utilisé diffère :
- Pour une société : 4551 : Compte courant d’associé
- Pour une entreprise individuelle : 108 : Compte de l’exploitant
À noter : si les dépenses ne sont pas correctement justifiées, elles peuvent être requalifiées en avantage en nature.
Optimiser et sécuriser le traitement des notes de frais
Quelques bonnes pratiques suffisent à éviter les erreurs et à fluidifier les échanges entre salariés et services comptables :
- Formaliser une politique de remboursement claire, connue de tous.
- Utiliser un modèle de note de frais standardisé, avec les bons champs à remplir
- Automatiser le processus avec un outil dédié : scan des justificatifs, détection automatique de la TVA, création des écritures comptables… tout est plus rapide, plus fiable, et mieux traçable.
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La note de frais n’est pas qu’un simple formulaire à remplir : c’est un document à double enjeu, à la fois social et comptable. Pour l’entreprise, bien la traiter, c’est garantir le remboursement du salarié, assurer la déductibilité des charges, et éviter les erreurs en cas de contrôle.
Avec des règles claires, des comptes bien utilisés, et les bons outils pour automatiser le process, la gestion des notes de frais devient un exercice simple, sécurisé… et sans surprise.
Écrit par:
Julie Merrer
Juriste en droit des affaires et droit du travail