TEMPS DE LECTURE : 8min
Souvent relégué au rang de simple formalité, l’ordre de mission est en réalité un document central dans la gestion des déplacements professionnels.
En quelques lignes, il fixe un cadre clair : qui part, pour quelle mission, où, quand, comment - et à quelles conditions.
Bien plus qu’un justificatif, il engage la responsabilité de l’employeur, conditionne la couverture du salarié, et sécurise l’ensemble du voyage d’affaires.
Ce guide vous aide à comprendre dans quels cas il est indispensable, quelles mentions y faire figurer, et comment en faire un outil efficace pour encadrer sereinement vos déplacements.
L’ordre de mission : de quoi parle-t-on ?
Qu'est-ce qu'un ordre de mission ?
L’ordre de mission remplit une fonction bien précise : formaliser un déplacement professionnel à l’initiative de l’employeur.
Il s’agit d’un document écrit, daté et signé, qui précise que le salarié part en mission pour le compte de l’entreprise, en dehors de son lieu de travail habituel.
Sur le plan pratique, il agit comme un complément temporaire au contrat de travail. Il ne modifie pas le contrat de manière permanente, mais vient encadrer les conditions particulières liées à un déplacement donné : lieu, durée, moyens de transport, frais remboursés, etc.
Ce que l’ordre de mission n’est pas
Un simple mail qui dit « Peux-tu aller voir le client à Lyon jeudi ? » ne suffit pas. Une note de service non plus.
Pour avoir une vraie valeur juridique, l’ordre de mission doit être formalisé, signé, et conserver certaines mentions clés que nous détaillerons un peu plus tard. En cas de litige, seul ce document peut attester du caractère professionnel du déplacement.
Les deux grands types d’ordre de mission
Il peut prendre deux formes :
- L’ordre de mission ponctuel : pour un déplacement spécifique, avec un objet, des dates et un lieu clairement définis. Exemple : participation à un salon, rendez-vous client, formation externe.
- L’ordre de mission permanent : pour les salariés dont les déplacements font partie intégrante des missions (commerciaux, techniciens, consultants…). Dans la pratique, un ordre de mission permanent est généralement établi pour une durée maximale de 12 mois, renouvelable.
Pourquoi l’ordre de mission est-il indispensable pour l’employeur et le salarié ?
L’ordre de mission, côté entreprise…
Pour certaines entreprises, l’ordre de mission est vécu comme une formalité administrative un peu lourde. En réalité, c’est une protection juridique précieuse. Sans ce document, les marges d’erreur et les risques, augmentent rapidement.
Côté employeur, mieux vaut ne jamais le négliger.
1. Il prouve le caractère professionnel du déplacement
En cas d’accident, c’est le seul document qui atteste que le salarié était bien en mission pour le compte de l’entreprise. Sans ordre de mission, l'accident peut être requalifié en accident de la vie privée. Conséquence : ni reconnaissance par la Sécurité sociale, ni couverture spécifique, ni prise en charge adaptée.
2. C’est aussi une façon de sécuriser l’entreprise en cas de contrôle
L’ordre de mission permet de justifier les frais engagés, notamment auprès de l’URSSAF. Il encadre les dépenses autorisées (transport, hébergement, restauration…) et évite les litiges liés aux remboursements.
3. Il clarifie les responsabilités
Le document fixe les rôles de chacun : qui prend en charge quoi, dans quelles limites, et dans quel cadre. Cela permet d’éviter les malentendus pendant ou après la mission.
4. Il justifie l’absence du salarié
L’ordre de mission prouve que le salarié n’était pas à son poste habituel pour une raison légitime, ce qui évite toute confusion avec un abandon de poste, notamment si la mission s’effectue sans passage par les locaux.
L’ordre de mission, côté salariés…
Pour le salarié aussi, l’ordre de mission est loin d’être un détail. Il ne s’agit pas seulement d’une validation de l’employeur, mais bien d’un document protecteur, qui encadre la mission et sécurise les conditions de travail.
Voici pourquoi il est essentiel de ne jamais partir sans :
1. C’est la clé pour bénéficier de la protection sociale en cas d’accident
C’est l’enjeu principal : en cas d’accident survenu pendant le trajet, sur place ou même lors d’un repas, l’ordre de mission permet de faire reconnaître l’événement comme un accident du travail. Sans lui, la Sécurité sociale peut refuser cette qualification, ce qui implique une prise en charge moins favorable (voire inexistante) pour le salarié.
Prenons un exemple concret. Un salarié glisse dans la douche de son hôtel pendant une mission. Ce type d’accident domestique n’est couvert que si la mission est formalisée.
2. Il garantit le remboursement des frais professionnels
L’ordre de mission précise les frais pris en charge (transport, repas, hébergement) et les modalités de remboursement (au réel ou au forfait). C’est le document de référence pour faire valoir ses droits. Sans lui, certaines dépenses peuvent être refusées.
3. Il offre un cadre clair et rassurant
Objectif de la mission, durée, lieu, conditions logistiques… Tout est posé noir sur blanc.
Le salarié sait ce qui est attendu de lui, et dans quelles conditions il exerce sa mission.

Le guide du voyage d'affaires
TéléchargerOrdre de mission : ce que dit la loi
L’ordre de mission est-il obligatoire ?
En théorie, non. En pratique, souvent oui.
Quésaco ?
Le Code du travail ne prévoit aucune obligation générale d’émettre un ordre de mission pour les déplacements professionnels en France. Autrement dit, aucun article ne vous impose noir sur blanc de formaliser un départ en mission… mais cela ne signifie pas que le document est facultatif.
Pourquoi il reste essentiel
En cas d’accident survenu pendant un déplacement professionnel, c’est l’article L. 411-1 du Code de la sécurité sociale qui permet de reconnaître un accident du travail, dès lors qu’il intervient « par le fait ou à l’occasion du travail ».
Encore faut-il pouvoir le démontrer.
Un ordre de mission clair, daté et signé constitue alors la meilleure preuve que le salarié agissait bien pour le compte de l’entreprise.
Sans lui, un déplacement peut être requalifié en voyage privé. Conséquence directe : refus de prise en charge, absence d’indemnisation, voire contentieux.
Ce que disent les conventions collectives
Plusieurs conventions imposent expressément la rédaction d’un ordre de mission. La convention Syntec, par exemple, l’exige pour tout déplacement hors de France métropolitaine. D’autres vont plus loin et l’imposent dès qu’un salarié quitte son site habituel.
Dernier point (et pas des moindres): en l’absence d’ordre de mission, un salarié est en droit de refuser un déplacement professionnel. Ce refus n’est pas fautif : aucune mission ne peut être imposée sans un cadre minimum.
Que risque-t-on sans ordre de mission ?
L’absence de ce document peut exposer l’employeur comme le salarié à des risques concrets, parfois lourds de conséquences.
Côté employeur…
Un risque juridique en cas d’accident
Sans preuve formelle que le déplacement était professionnel, il devient difficile (voire impossible…) de faire reconnaître un accident comme un accident du travail. L’entreprise peut alors voir sa responsabilité engagée pour manquement à son obligation de sécurité.
Des difficultés en cas de contrôle URSSAF
En l’absence d’ordre de mission, les remboursements de frais peuvent être requalifiés en avantages en nature. Traduction : cotisations sociales à régulariser, et éventuel redressement à la clé.
Un flou dans la gestion interne
Sans cadre clair, les litiges sur les prises en charge, les absences ou les objectifs de la mission deviennent plus fréquents. L’ordre de mission protège aussi l’entreprise… contre les malentendus.
Et côté salariés
La perte de protection sociale
Un accident survenu pendant un trajet, une nuit d’hôtel ou un dîner en déplacement peut ne pas être reconnu. Résultat : pas de prise en charge comme accident du travail, et des démarches beaucoup plus complexes.
Le risque de devoir avancer (et perdre) ses frais
Sans ordre de mission, certaines dépenses peuvent être refusées au remboursement.
Aucun document = aucun engagement de l’employeur.
Une mission qui devient juridiquement discutable
Si aucun ordre de mission n’encadre le déplacement, l’absence du salarié de son lieu de travail habituel peut poser problème. Cela peut aller jusqu’à une requalification en absence injustifiée, surtout si la mission a été mal formalisée ou décidée à l’oral. Une source de tension inutile, et parfaitement évitable.
Comment rédiger et utiliser efficacement un ordre de mission ?
Que doit contenir un ordre de mission ?
Il n’existe pas de modèle officiel imposé par le Code du travail. Mais pour qu’un ordre de mission ait une vraie portée (juridique, sociale et comptable) certains éléments restent essentiels. D’autres viennent s’ajouter selon le type de mission.
Concrètement, voici les points à inclure.
Les mentions indispensables (à inclure systématiquement)
L’ordre de mission doit a minima comporter les mentions suivantes :
- L’identification des parties : le salarié (nom, prénom, fonction) et l’entreprise émettrice (nom, adresse, numéro SIRET).
- L’objet de la mission : le motif précis du déplacement : visite client, salon professionnel, formation, intervention technique…
- Les dates et horaires : date et heure de départ / Date et heure de retour prévues. C’est ce qui permet de définir précisément la durée de la mission.
- Les lieux concernés : l’adresse complète du ou des sites sur lesquels le salarié interviendra.
- Les moyens de transport autorisés : train, avion, véhicule de service, ou véhicule personnel. En cas d’utilisation du véhicule personnel, il faut préciser si c’est autorisé et selon quel mode de remboursement (ex. : barème kilométrique URSSAF).
- Les modalités de remboursement des frais : remboursement au réel (avec justificatifs) ou forfait journalier. Il est conseillé de rappeler les plafonds applicables (ex : 120 € max/nuit d’hôtel, 25 €/repas).
- Signatures et validation : enfin, le document doit être daté, signé par l’employeur (« Bon pour accord ») et par le salarié (« Lu et approuvé »), avant le départ. Cette signature atteste que les conditions de la mission ont bien été communiquées et acceptées.
Les mentions à adapter selon la situation
Certains déplacements nécessitent des précautions spécifiques. Par exemple :
Les missions à l’étranger
Il est recommandé de mentionner :
- la devise utilisée pour les remboursements ;
- les assurances souscrites (frais médicaux, rapatriement, etc.) ;
- les contacts d’urgence.
Les déplacements en zone à risque
L’ordre de mission peut intégrer des recommandations sanitaires, des consignes de sécurité ou une couverture complémentaire spécifique (assurance, assistance…).
Ordre de mission : format, validation, archivage
Pour être valable, un ordre de mission doit respecter quelques règles de forme.
Le format de l’ordre de mission
L’ordre de mission doit être formalisé par écrit. Peu importe le support : document Word, PDF ou outil RH dédié. Ce qui compte, c’est qu’il soit clair, complet et traçable. Un simple e-mail ou une consigne orale ne suffit pas.
La signature et validation de l’ordre de mission
Le document doit être établi et signé par l’employeur (ou un manager habilité), avant le départ en mission. Le salarié le signe ensuite pour valider les conditions du déplacement. La signature électronique est acceptée et de plus en plus courante.
L’archivage de l’ordre de mission
Une copie du document doit être conservée par les deux parties. Côté entreprise, elle peut servir en cas de contrôle URSSAF ou de litige. Côté salarié, elle permet de faire valoir ses droits si besoin.
À noter : certaines entreprises attribuent un numéro à chaque ordre de mission. Ce n’est pas obligatoire, mais cela facilite le suivi, l’archivage et le lien avec la note de frais correspondante.
Modèle d’ordre de mission : l’essentiel, noir sur blanc
Besoin d’un point de départ concret ? Voici un exemple d’ordre de mission prêt à l’emploi. Clair, structuré, et facile à adapter selon le type de mission et les règles internes de l’entreprise.
Ordre de mission
ENTREPRISE : Nom de l’entreprise, adresse complète, n° SIRET
SALARIÉ(E) : Nom, prénom, fonction
Numéro de mission : Numéro unique
Date d’émission : JJ/MM/AAAA
1. Objet de la mission
- Motif : (ex. : formation, inspection, réunion interservices, intervention technique…)
- Lieu(x) : Adresse(s) complète(s) du ou des lieux concernés
2. Dates et durée
- Départ prévu : JJ/MM/AAAA à HH:MM
- Retour prévu : JJ/MM/AAAA à HH:MM
3. Moyens de transport
- Modes autorisés : train, avion, véhicule de service (immatriculation), etc.
- Véhicule personnel : autorisé / non autorisé
Si autorisé, remboursement sur la base du barème kilométrique en vigueur
4. Prise en charge des frais
- L’agent sera remboursé de ses frais de repas et d’hébergement selon les taux forfaitaires fixés par la réglementation.
- L’agent bénéficiera [☐ avec / ☐ sans] prise en charge directe de l’hébergement par l’administration.
Plafonds applicables : - Hébergement : max. [XX €/nuit]
- Repas : max. [XX €/repas]
5. Mentions spécifiques
(À adapter selon le contexte : contact sur place, assurance pour mission à l’étranger, consignes sanitaires...)
Fait à : [Lieu]
Le : [JJ/MM/AAAA]
Signature de l’employeur
Nom, fonction
Précédée de la mention « Bon pour accord »
Signature du salarié
Nom
Précédée de la mention « Lu et approuvé »
L’ordre de mission en résumé
Souvent perçu comme une simple formalité, l’ordre de mission s’impose en réalité comme un outil structurant dans la gestion des déplacements professionnels.
En formalisant le cadre d’une mission, il protège les salariés, engage la responsabilité de l’employeur, et sécurise l’ensemble du processus, qu’il s’agisse de couverture sociale, de remboursement des frais ou de conformité juridique.
Je découvre l'offre Swile
C'est parti !Écrit par:
Julie Merrer
Juriste en droit des affaires et droit du travail

