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Dans le monde professionnel, se déplacer pour accomplir une mission peut sembler banal. Néanmoins, afin d’éviter les abus et protéger la santé et sécurité des salariés, ces déplacements professionnels sont strictement encadrés par des règles précises qui figurent notamment dans le Code du travail et les conventions collectives.
Obligations de l’employeur, droits du salarié, remboursement des frais… Dans ce guide complet, retrouvez tout ce qu’il faut savoir sur le cadre légal applicable aux déplacements professionnels.
Qu’est-ce qu’un déplacement professionnel ?
Le Code du travail ne donne pas de définition précise du déplacement professionnel (ou voyage d’affaires). Il encadre toutefois le temps de déplacement lié à l’exécution d’une mission, notamment via l’article L3121-4 qui précise que “le temps de déplacement professionnel n’est pas du travail effectif”, mais qu’il doit être compensé lorsqu’il dépasse le trajet habituel du salarié.
> “Le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d'exécution du contrat de travail n'est pas un temps de travail effectif. Toutefois, s'il dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, il fait l'objet d'une contrepartie soit sous forme de repos, soit sous forme financière (...)” (article L3121-4 C. trav.).
En pratique, la notion de déplacement professionnel est souvent définie dans les accords collectifs. A titre d’exemple, l’accord collectif sur les déplacements professionnels du groupe Thalès décrit le déplacement professionnel comme “la situation dans laquelle le salarié exécute, de manière temporaire, son activité professionnelle hors de son lieu habituel de travail, pour les besoins de sa mission”.
Ainsi, on parle généralement de déplacement professionnel lorsqu’un salarié doit se rendre hors de son lieu habituel de travail — que celui-ci soit les bureaux de l’entreprise ou son domicile en télétravail — afin d’exécuter une mission précise pour l’employeur. Le motif doit être exclusivement professionnel, même si le déplacement est court.
⚠️ Attention : Le déplacement professionnel ne doit pas être confondu avec le trajet domicile-travail, qui reste un temps personnel non rémunéré (sauf circonstances particulières).
Déplacement professionnel vs. Voyage d’affaires
Le Code du travail ne consacre pas officiellement la différence entre le déplacement professionnel et le voyage d’affaires. Il arrive néanmoins que l’on fasse une distinction entre les deux, basée sur la durée et le périmètre du déplacement.
Ainsi, on parle généralement de déplacement professionnel lorsque :
- la durée est courte : quelques heures ou une journée ;
- le trajet reste local ou régional ;
- le salarié peut rentrer chez lui le soir.
À l’inverse, on utilise plutôt le terme voyage d’affaires lorsque :
- le salarié se déplace dans une autre région, une autre ville éloignée ou à l’étranger ;
- la mission implique une ou plusieurs nuits à l’extérieur ;
- le programme est plus dense et planifié sur plusieurs jours.
ℹ Notez-le : Cette distinction n’a pas d’existence juridique stricte mais elle peut influencer les règles internes (remboursements, forfaits, autorisations).
Le cadre légal et les principes généraux applicables aux déplacements professionnels
Comme vu précédemment, le déplacement professionnel est traité par le Code du travail au travers de la définition du temps de travail. Plusieurs articles apportent un cadre de référence :
- Article L3121-1 : définition du temps de travail effectif ;
- Article L3121-4 : règles applicables au temps de déplacement professionnel ;
- Articles L3121-7 et L3121-8 : modalités de compensation lorsque le temps de trajet dépasse le temps normal domicile–travail.
Ces textes établissent les bases sur lesquelles repose l'organisation des déplacements professionnels. Ainsi, plusieurs règles générales s’appliquent systématiquement, quel que soit le type de déplacement :
- Temps de trajet : il n’est pas considéré comme du temps de travail effectif, sauf s’il dépasse le temps habituel domicile–travail ou si le salarié reste à la disposition de l’employeur pendant son temps de déplacement ;
- Compensation obligatoire : tout dépassement du temps normal de trajet doit donner lieu à une contrepartie, soit en repos, soit sous forme financière ;
- Prise en charge des frais : les frais de transport, de repas et d’hébergement engagés pour la mission doivent être couverts par l’employeur ;
- Sécurité et santé : l’employeur reste responsable de la protection de la santé physique et mentale du salarié pendant toute la durée du déplacement ;
- Respect du repos : les temps de repos quotidien et hebdomadaire doivent être garantis, même en cas de mission à l’extérieur.
Des modalités spécifiques peuvent toutefois être prévues par :
- un accord d’entreprise,
- une convention collective,
- le contrat de travail du salarié.
ℹ Notez-le : Ces dispositions ne peuvent jamais être moins favorables que celles prévues par le Code du travail. Il est important de s’y référer pour connaître exactement les droits applicables au salarié en déplacement professionnel.
Déplacement professionnel : quelles sont les obligations de l’employeur ?
L’employeur a plusieurs responsabilités lorsqu’il organise un déplacement professionnel. Elles portent à la fois sur l’organisation du trajet, la prise en charge des frais et la sécurité du salarié. L’objectif est de garantir des conditions de mission sûres, raisonnables et conformes aux exigences réglementaires en vigueur.
Obligations liées à l’organisation du déplacement professionnel
L’employeur doit définir clairement le lieu, la durée et les modalités du déplacement en fonction de la mission confiée. Cela inclut les horaires, les différentes étapes du déplacement et les moyens de transport à privilégier.
Il doit également veiller à ce que le déplacement soit compatible avec la durée légale du travail et avec le respect des temps de repos obligatoires.
⚠️ Attention : Cette organisation ne doit pas exposer le salarié à une fatigue excessive ou à un risque accru.
En pratique, cela signifie :
- choisir des horaires de départ et de retour raisonnables ;
- sélectionner des moyens de transport adaptés et sûrs ;
- éviter des successions de trajets qui réduisent le repos du salarié ;
- respecter les clauses de mobilité prévues par le contrat ou la convention collective (proportionnalité, périmètre géographique, délai de prévenance…).
Obligations en matière de remboursement des frais
L’employeur doit prendre en charge toutes les dépenses nécessaires au déplacement professionnel, conformément à l’article L3261-2 du Code du travail et à la jurisprudence applicable.
Ces frais incluent notamment :
- les transports (train, avion, taxi, carburant, péages, etc.) ;
- l’hébergement lorsque le salarié ne peut pas rentrer chez lui ;
- les repas pris dans le cadre de la mission.
ℹ Notez-le : Des barèmes, plafonds et conditions particulières peuvent être prévus par la convention collective ou l’accord d’entreprise. Il est important de les consulter pour déterminer les montants applicables et les justificatifs exigés.
Obligations en matière de sécurité et de prévention des risques
Conformément à l’article L4121-1 du Code du travail, l’employeur a l’obligation générale de protéger la santé physique et mentale de ses salariés. On parle souvent de “Duty of Care” ou devoir de diligence, ou encore devoir de vigilance. Cette obligation s’applique pleinement lorsque le salarié se déplace dans le cadre de son travail.
Cela implique notamment :
- de sélectionner des moyens de transport sûrs et adaptés ;
- de prévoir un temps de repos suffisant, avant et après le déplacement ;
- de fournir les équipements de protection nécessaires en fonction de la mission (matériel pour interventions sur site, équipements de sécurité routière, etc.) ;
- de sensibiliser les salariés aux risques liés aux déplacements (fatigue, trajets routiers, sécurité dans certains environnements…).
Exemple : pour une intervention sur un site industriel, l’employeur doit s’assurer que le salarié dispose de chaussures de sécurité, d’un casque, d’un badge d’accès sécurisé, et qu’il connaît les règles de sécurité du site.
Quels sont les droits du salarié en déplacement professionnel ?
Le salarié en déplacement professionnel bénéficie de droits spécifiques liés à la rémunération, à la prise en charge des frais, au respect du repos et aux conditions dans lesquelles le déplacement peut lui être imposé. Ces droits visent à garantir que la mission se déroule dans des conditions à la fois équitables et sécurisées.
Rémunération et remboursement des frais
Lorsque le temps de déplacement dépasse le temps normal domicile–travail, ce dépassement doit obligatoirement être compensé. Cette compensation peut prendre deux formes :
- un repos compensateur ;
- ou une contrepartie financière, intégrée dans le salaire et donc soumise à cotisations et impôts.
Par ailleurs, comme nous l’avons vu précédemment, le salarié n’a pas à supporter les coûts du déplacement professionnel. L’employeur doit lui rembourser les frais de transport, l’hébergement (le cas échéant) et les repas pris durant celui-ci.
Les montants versés - qu’ils soient forfaitaires ou au réel - doivent être raisonnables, en lien direct avec la mission et dûment justifiés.
⚠️ Attention : Les conventions collectives ou accords d’entreprise précisent souvent les barèmes, plafonds ou justificatifs nécessaires. Il est indispensable de les consulter pour connaître les modalités exactes de compensation.

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Demander une démoRespect du temps de repos et des horaires
Même en déplacement professionnel, le salarié bénéficie des durées maximales de travail et des temps de repos quotidiens et hebdomadaires. Ainsi, le temps de déplacement effectué en dehors des horaires normaux, ou au-delà du temps habituel domicile–travail, peut ouvrir droit à un repos compensateur.
ℹ Notez-le : Certains accords d’entreprise prévoient des droits supplémentaires, par exemple en cas de décalage horaire, ou lorsque le déplacement intervient un jour férié ou un jour de repos.
Possibilité de refuser un déplacement professionnel dans certains cas
En principe, un salarié ne peut pas refuser un déplacement professionnel lorsque :
- une clause de mobilité existe dans son contrat ou sa convention collective ;
- les missions liées à son poste impliquent des déplacements ;
- la demande est justifiée par les besoins de l’entreprise ;
- et le salarié a été prévenu dans un délai raisonnable.
Dans ces cas-de-figure, le refus du salarié d’effectuer le déplacement professionnel peut entraîner une sanction disciplinaire, voire un licenciement pour faute grave.
Il existe toutefois des situations où le travailleur est en droit de refuser le déplacement. C’est notamment le cas lorsque :
- le déplacement excède ce qui est prévu dans le contrat : il s’agit alors d’une modification du contrat de travail qui nécessite l’accord préalable du salarié ;
- il existe un motif légitime, par exemple :
- une inaptitude médicale justifiée ;
- l’absence de prise en charge des frais ;
- une clause de mobilité non respectée ;
- un danger grave ou imminent pour sa santé ou sa sécurité (déplacement dans une zone à risque, par exemple) ;
- des obligations familiales impérieuses.
L’objectif de ces différentes protections est que le salarié puisse accomplir sa mission dans de bonnes conditions, sans que le déplacement ne devienne une source d’abus ou de risques injustifiés.
Temps de déplacement professionnel : travail effectif ou non ?
En principe, le trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail n’est pas considéré comme du temps de travail effectif. Il n’ouvre donc pas droit à une rémunération d’heures supplémentaires.
Cependant, lorsqu’un salarié se rend sur un lieu de travail différent du lieu habituel et que le trajet dépasse le temps normal de trajet entre son domicile et son poste habituel, l’employeur doit alors lui accorder une compensation financière ou un repos compensateur.
ℹ Notez-le : Ce dépassement est apprécié en fonction du temps habituel que met le salarié pour aller de son domicile à son lieu de travail. La partie du trajet qui coïncide avec l’horaire normal de travail doit être rémunérée comme du temps de travail classique.
Par ailleurs, le temps de déplacement entre deux lieux de travail dans la même journée peut également être considéré comme du temps de travail effectif si le salarié reste à disposition de l’employeur et ne peut pas vaquer à ses occupations personnelles.
Concernant la contrepartie ou l’indemnité, il n’existe pas de barème national obligatoire applicable à toutes les entreprises. Les règles peuvent donc varier en pratique selon la convention collective ou l’accord d’entreprise applicable.
Déplacement professionnel : quelles sont les dépenses remboursables et selon quelles modalités ?
Lors d’un déplacement professionnel, le salarié peut être amené à engager des dépenses pour les besoins de son activité professionnelle. Ces frais doivent être pris en charge par l’employeur.
Principales dépenses remboursables
- Frais de transport :
- billets de train, avion, bus, taxi, transport public, etc. ;
- frais de carburant, péages, et stationnement ;
- indemnités kilométriques selon le barème fiscal applicable pour les déplacements professionnels.
- Frais d’hébergement / logement :
- lorsque le salarié ne peut pas regagner son domicile en raison de la distance ou du temps de trajet, les frais de logement doivent être remboursés.
- Frais de restauration / repas :
- déjeuners, dîners, petits-déjeuners pris dans le cadre de la mission ;
- seuls les repas nécessaires à l’activité professionnelle, et non ceux pris à domicile, sont remboursables.
Conditions et modalités de remboursement
Pour être remboursables, les dépenses doivent :
- être engagées pour les besoins de l’activité professionnelle ;
- être justifiées (factures, tickets, reçus), sauf si une allocation forfaitaire a été prévue.
L’employeur peut procéder au remboursement selon deux méthodes :
- Remboursement au réel : remboursement exact de la dépense engagée, sur présentation de justificatifs ;
- Remboursement forfaitaire : versement d’une somme forfaitaire sans justificatifs systématiques.
Exemple : un salarié qui utilise son véhicule personnel pour un rendez-vous client doit fournir les tickets de péage et le relevé kilométrique si le remboursement est au réel, ou peut percevoir un forfait kilométrique si cela est prévu par l’accord d’entreprise.
⚠️ Attention : Le montant de cette somme forfaitaire doit être raisonnable et prévu par la convention collective ou l’accord d’entreprise applicable.
ℹ Notez-le : Le salarié dispose de 3 ans pour réclamer le remboursement des frais engagés.
Dans tous les cas, conformément au principe d’égalité de traitement des salariés, l’employeur doit veiller à une prise en charge équitable des frais pour les salariés dans une situation analogue.
Cas spécifiques : week-end, repos et déplacements à l’étranger
Lorsque le déplacement professionnel empiète sur la période de repos du salarié - départ très matinal, retour tardif ou mission sur plusieurs jours - le salarié doit bénéficier des repos minimums prévus par le Code du travail soit :
- 11 heures de repos entre deux journées de travail ;
- 24 heures + 11 heures pour le repos hebdomadaire, sauf dérogation valide.
Si le salarié n’a pas pu bénéficier de son repos minimal en raison du déplacement professionnel, l’employeur doit alors prévoir une contrepartie :
- un repos compensateur équivalent au temps de déplacement ou à la réduction de repos subie ;
- ou une compensation financière, si cela est prévu par convention collective, accord d’entreprise ou décision unilatérale de l’employeur après consultation du CSE.
ℹ Notez-le : Certaines conventions collectives peuvent prévoir des dispositions plus favorables. Par ailleurs, des règles spécifiques peuvent s’appliquer aux cadres ou aux salariés en forfait jours.
Exemple : Un salarié dont le lieu de travail habituel est à 30 minutes de chez lui est envoyé pour une mission avec :
- un départ à 5h du matin (trajet de 2h) ;
- un retour à 23h.
Ce déplacement dépasse largement le temps de trajet habituel et empiète sur le repos quotidien et hebdomadaire. L’employeur doit donc soit lui accorder un repos compensateur, soit lui verser une indemnité ou une contrepartie financière conformément aux dispositions applicables.
⚠️ Attention : En cas de non-respect des durées minimales de repos, l’employeur s’expose à des sanctions, et le salarié peut engager une action pour réparation du préjudice subi.
Déplacements professionnels à l’étranger
Pour les missions réalisées à l’international, les principes restent globalement les mêmes. Toutefois, certaines particularités s’ajoutent :
- le salarié doit bénéficier de repos suffisants avant et après le voyage permettant de compenser les longues heures de trajet ou le décalage horaire ; Exemple : un salarié envoyé trois jours à New York pour une mission peut percevoir un repos compensateur après son retour pour compenser le décalage horaire, en plus du remboursement des frais de transport, repas et hébergement sur place.
- l’employeur peut prévoir des repos supplémentaires ou des compensations financières spécifiques (per diem, indemnités journalières) ;
- l’employeur doit porter une vigilance toute particulière à la sécurité et la santé des salariés, notamment en cas de conditions locales difficiles, de risques sanitaires ou politiques ou encore en cas de déplacement dans une zone à risque ;
- certaines conventions collectives ou accord d’entreprise peuvent prévoir des primes d’expatriation ou des indemnités spécifiques pour les missions réalisées à l’international.
Conclusion
Le déplacement professionnel est fréquent en entreprise. En raison de ses particularités, il est encadré par des règles spécifiques fixées à la fois par le Code du travail, la jurisprudence mais aussi par les conventions collectives et accords d’entreprise.
Ces règles doivent impérativement être maîtrisées par l’employeur et le salarié afin d’éviter les abus et d’assurer une organisation sécurisée des déplacements professionnels.
Écrit par:
Clara Godin
Juriste en droit de l’environnement et santé-sécurité au travail

